lundi 22 octobre 2018

Jean Olivier VIOUT et le procès Barbie de mai à juillet 1987



Le 11 mai 1987 s’ouvrait à Lyon le premier procès tenu en France pour crime contre l’humanité.

Pierre Truche et Jean Olivier Viout


Jean Olivier VIOUT, substitut du procureur Pierre Truche pendant ce procès, a donné sa conférence sur ce procès le vendredi 19 octobre à Allevard.



Cette manifestation organisée sous l’égide de l’AMPA (les Amis des Musées du Pays d’Allevard) et de la mairie d’Allevard, avec le soutien du Conseil Départemental, a réuni plus de 130 personnes dans la salle Casserra de la Pléiade.




La personnalité de K. Barbie, son parcours et son engagement au sein de la SS dès sa vingtième année. Sa fuite en Bolivie, encouragée par les services secrets américains. Son zèle et son ascension au sein de la machine répressive de la dictature bolivienne.

Beate et Serge Klarsfeld


Une tentative d’enlèvement organisée par Beate et Serge Klarsefeld*, Régis Debray et un opposant bolivien échouera. 

L’arrivée au pouvoir de partis démocratiques en Bolivie va permettre le 4 février 1983 l’extradition de Barbie vers la France, en Guyane d’abord, puis aussitôt à Lyon, à la prison du fort Montluc*, lieu symbolique s’il en est puisque c’est dans cette prison que furent amenés nombre de victimes de Barbie, dont Simon Badinter, le père de Robert, alors Garde des Sceaux à cette époque.

Déjà condamné à mort par contumace à deux reprises en France, en 1952 et 1954 pour crimes de guerre, Barbie se pensait à l’abri, la prescription des crimes de guerre de vingt ans étant dépassée.

Mais, le juge Riss mène l’instruction pour crime contre l’humanité, crime non prescriptible pour ces trois faits:
Puis, suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 20 décembre 1985, un quatrième chef d’accusation:
  • actes d’arrestation, torture et déportation de Juifs ou de résistants pris isolément.


Le conférencier explique par le détail comment la qualification des crimes de Barbie en crimes contre l’humanité a été possible: il n’y a eu ni arguties juridiques, ni procédures illégales. 

Au contraire, le strict respect des lois, la volonté déterminée des magistrats de respecter scrupuleusement tout les droits de l’accusé ont été la règle absolue tout au long du procès et, auparavant, de son instruction.


la salle d'audience


J.O. VIOUT explique le choix du lieu du procès, à savoir la salle des pas perdus de la Cour d’Assises de Lyon. Salle qu’il a fallu aménager pour recevoir les avocats des 113 parties civiles, la presse française et étrangère, mais aussi les citoyens.

Le procès commence le 11 mai 1987 sous la présidence d’André Versini, assisté de deux assesseurs. 

Pierre Truche procureur général, assisté de Jean Olivier VIOUT. Jacques Vergès est le défenseur de Barbie.


Au troisième jour du procès, Barbie après avoir lu un court texte où il affirme avoir été enlevé illégalement et que ce procès est donc illégal, déclare ne plus vouloir assister à son procès. Comme la loi l’y autorise, Barbie sera absent jusqu’à la lecture du verdict.

Simone Lagrange témoigne lors du procès


Monsieur VIOUT, au cours de la conférence, passera la vidéo enregistrée pendant le procès de trois femmes, victimes directes de Barbie, dont une, Simone Lagrange*, qui avait treize ans à l’époque des faits.
Ce qu’elles racontent des tortures physiques et morales est glaçant et l’émotion était quasiment palpable dans la salle.





Klaus Barbie sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. A aucun moment, il n'a exprimé le moindre regret, esquissé la moindre demande de pardon. 

Il est vrai qu’il s’est toujours félicité, lors de ses exils sud américains, d’avoir été un officier nazi exemplaire, d’avoir toujours rempli les missions qui lui avaient été confiées, en précisant toujours que si c’était à refaire, il le referait exactement dans les mêmes conditions.

Cette conférence donnée par un acteur au coeur du procès a été aussi intéressante qu’utile:
  • Intéressante parce que les faits exposés par le conférencier l’ont été de manière intelligible et pédagogique. La façon d’expliquer des textes et des procédures juridiques complexes a été bien comprise par le public.
  • Utile parce que le temps a tendance à gommer involontairement l’Histoire et qu’il est indispensable de nous rappeler qu’il y a des périodes abominables qu’il ne faut à aucun prix oublier, au risque de les revivre.
Et que dans les temps troublés que nous vivons, il serait illusoire de faire semblant de ne pas voir le réveil de l’immonde.



La conclusion de Monsieur Viout est à cet égard tout à fait d’actualité:


« Mais quelles que soient ces vicissitudes, l’avènement d’une justice vectrice d’une morale internationale ne doit pas être rangé au rang des vœux pieux ou autres ambitions illusoires. Car l’Histoire vécue par le monde entre 1940 et 1945 et que vivent encore des pays de notre planète, n’autorise pas le refuge dans une hypocrite amnésie.

Les victimes de Barbie et au-delà celles de tous les fanatismes totalitaires nous l’interdisent, car raisonnent encore ces mots forts du témoignage d’Elie Wiesel, au procès Barbie : « Quelque part en Galicie un SS disait à un jeune juif : « ‘’Même si tu survis, même si tu racontes, nul ne te croira’’…

Ce procès a opposé un démenti à ce tueur. L’ennemi tue deux fois. La seconde en essayant d’effacer la mémoire de ses crimes…Certes, rien ne peut ramener les morts à la vie. Mais grâce aux paroles dites devant cette cour, l’accusé ne pourra pas tuer les morts à nouveau. S’il réussissait, ce ne serait pas sa faute, mais la nôtre »

Partageons cette conviction, faisons en une exhortation car, nous le savons avec Bertolt Brecht, « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde »


l’équipe de l’AMPA autour de Mr VIOUT