Au cours d’une fête, les hommes de Romulus ont
enlevé les femmes et les filles des Sabins. Les Sabins engagent le combat pour les
récupérer, lorsque les Sabines accourent et séparent les belligérants. Au
centre du tableau, Hersilie maintient, bras étendus, d’un côté son époux
Romulus, de l’autre, son père, Tatius. A ses pieds, une jeune femme brune, poitrine dénudée protège des petits enfants..
Cette jeune femme, c’est Adèle de Bellegarde, née à Chambéry en 1772. Elle est élevée en aristocrate érudite, l’été au château des Marches en Savoie, l’hiver en l’hôtel Bellegarde à Chambéry. Adèle est jolie, indépendante, son esprit est largement ouvert aux idées françaises des Lumières par ses parents.
A 15 ans elle est mariée à un cousin de son père
portant le nom de « Bellegarde ». Le père d’Adèle a 3 filles et ne
veut pas voir s’éteindre le nom de Bellegarde. Adèle n’apprécie guère ce cousin
quadragénaire colonel dans l’armée piémontaise. Heureusement, pour Adèle son
service auprès du roi la laisse souvent seule et elle s’en trouve fort
aise. Ils auront une fille puis un garçon.
A Paris…. C’est la révolution. La Savoie
accueille, à la fois, les immigrants aristocrates et les idées des révoltés.
Adèle vit ces instants avec beaucoup de curiosité et désire en savoir plus.
Mais l’arrestation de Louis XVI à Varennes provoque la panique. Frédéric de
Bellegarde expédie sa femme, ses enfants et sa belle sœur en Piémont. L’accueil
est froid à Turin : les Piémontais se désintéressent de la Savoie depuis
longtemps. Adèle est déçue. En Savoie, en revanche, les français sont
accueillis avec enthousiasme. En septembre 1792, le château des Marches est
ouvert au général de Montesquieu. Les Français marchent sur Montmélian et
Chambéry. Frédéric de Bellegarde se replie avec ses soldats et retrouve sa
famille sur la place forte de Pignerol.
Le 14 décembre 1792, l’assemblée des Allobroges
réunie en la cathédrale de Chambéry, vote la réunion de la Savoie à la France
et annonce que tout émigré qui ne rentre pas sous 2 mois, verra ses biens
confisqués. Adèle et sa sœur rentrent pour sauver le patrimoine familial. Elles
sont enregistrées à Chambéry, dès leur arrivée. Adèle découvre alors, des « révolutionnaires »
cultivés, aristocrates qui savent vivre dans son monde. Elle n’hésite pas à
accompagner Hérault de Séchelles et Philibert Simond pour répandre les idées
nouvelles à travers la Savoie. Dans la population l’aigreur et le dépit
succèdent vite à l’enthousiasme : l’application administrative nouvelle se
heurte à l’organisation traditionnelle de la Savoie. La révolte éclate par
endroits. Sentant le vent tourner, les dames de Bellegarde partent vers Paris.
La vie facile n’existe plus à Paris. La Terreur s’installe. Hérault de
Séchelles, Danton, Fabre d’Eglantine, Camille Desmoulins sont guillotinés.
Adèle et sa sœur sont emprisonnées à St Lazare, échappent de peu à la sinistre
machine vers laquelle sera emmené un jeune et beau poète, André Chénier.
Adèle est accablée par le désespoir. En juillet
1794, elle et sa sœur sont libérées. Soutenues par Aimée de Coigny qu’elles ont
connue en prison, elles retrouvent une vie parisienne cultivée ouverte aux
arts. Elles deviennent les égéries des salons en vogue (Mme de Staël, Mme
Vigier Lebrun). Une liaison avec un chanteur mondain, Pierre Garat, donnera à
Adèle 2 enfants : Une fille que Pierre Garat gardera lors de la séparation
et un garçon qu’Adèle élèvera seule. A cette même époque, Mme de Noailles fait
se rencontrer Louis David et Adèle dans l’atelier de ce dernier. Emue par la
beauté d’Adèle et touché par sa réputation de femme libre de sa pensée, il lui
propose d’être modèle dans son tableau « l’Enlèvement des Sabines ».
Adèle sera critiquée et insultée pour sa prestation. Adèle de Bellegarde ne
reviendra jamais en Savoie, ne reverra jamais ses enfants piémontais et mourra
chez son fils français, à Paris, en 1830.
Gneviève LEHMANN
Gneviève LEHMANN
Bibliographie : "Femmes et rebelles du 15e au 21e siècle en Savoie" de Jean
Marie Jeudy, éditions "en train de lire" DFIS
encore une Adèle de fort caractère !!!!!!!
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